Le mois des morilles

Quelle surprise ce matin quand nous avons découvert plusieurs pieds de morilles coniques dans un coin du potager, dans notre champ de patates de l’année passée pour être précis !

Au premier coup d’œil, on comprend pourquoi ce capricieux champignon porte bien son nom. Il est souvent lié aux frênes et aux épicéas, deux types d’arbres présents sur notre terrain, avec lesquels il s’associe secrètement en sous-sol.

Fort de cette trouvaille, je parcours le verger yeux grands ouverts pour tomber cette fois sur une proche cousine plus claire, la morille blonde ou morille commune, à proximité des vieux pommiers (qu’elle apprécie aussi). Ces deux célèbres champignons alvéolés du mois d’avril sont savoureux mais, attention, toxiques crus.

L’été en automne avec les cèpes

Il y a quelques jours encore, le thermomètre affichait plus de 15°C au lever du soleil et près de 25°C en journée ! Ces températures incroyablement douces ainsi que les averses orageuses du mois d’octobre ont nettement favorisé les champignons. Les bois en regorgent de toutes formes et couleurs. C’est le grand déballage, notamment chez les comestibles les plus célèbres ! Après les cèpes de Bordeaux, d’autres bolets nobles apparaissent en quantité.

Cette vague de chaleur tardive semble avoir bouleversé l’ordre d’apparition des espèces puisque des cèpes d’été, habituellement bien nommés, se montrent en plein mois de novembre ! Plus clair, le cèpe d’été habille son pied enflé d’un maillage étendu contrairement à son cousin « bordelais » qui, lui, possède un réseau seulement au sommet de son pied, à l’ombre du chapeau.

Sous les chênes, des légions entières de cèpes bronzés percent le lit de feuilles mortes pour notre plus grand bonheur.

Ce champignon, plus connu dans les régions chaudes, est reconnaissable à son chapeau très foncé et à son pied fauve. Sa chair ferme et parfumée est encore plus recherchée que celle des autres cèpes. Ils seront au menu cet hiver !

Bien sûr, nous avons pris soin d’en laisser sur place pour ensemencer à nouveau la forêt.

La mésange au clair de lune

Cet été, une petite mésange charbonnière a choisi la vigne qui surplombe la terrasse comme chambre à coucher. Chaque soir, elle se glisse sous la même feuille, enfouit sa tête dans ses plumes et dort profondément. Même le flash de l’appareil photo ne la réveille pas.

À vrai dire, nous avons tenté de la déloger pour ne pas avoir à nettoyer ses fientes chaque matin, en pensant qu’avec tous les nichoirs, les arbres creux et les haies autour de la maison, elle trouverait facilement un autre dortoir. Mais Madame est têtue et reste fidèle au poste dès que le soleil disparaît à l’horizon. Finalement, nous nous sommes attachés à elle, au point de vérifier sa présence quotidiennement en lui souhaitant bonne nuit.

Un mille-pattes version F1

Ce mois-ci, tandis qu’une sévère sécheresse touche la région, nous avons observé pour la toute première fois dans la maison un étonnant animal plutôt méridional. La première rencontre a eu lieu dans la cave, la seconde, de nuit, dans notre cuisine.

Un étrange mille-pattes de 3-4 cm a détalé à une vitesse impressionnante. La scutigère véloce est capable de sprinter à 40 cm par seconde. Autant dire une formule 1 ! Elle était présente plutôt au sud de la Loire mais depuis plusieurs années, elle remonte vers le nord et la voici arrivée dans les Ardennes.

La scutigère est un prédateur très efficace des petites bestioles qui vivent sur les murs humides et dans les maisons. Araignées, cafards, mouches, cloportes, moustiques : tous figurent à son menu lors de ses rondes nocturnes.

Maître renard, sur un arbre perché…

…tenait en son bec un froma… Ah, mais non ! Ce n’est pas ce que raconte la célèbre fable de La Fontaine. C’est bien le corbeau qui est dans l’arbre normalement. Pourtant cette semaine, au bord de l’Aire, nous sommes tombés nez à nez avec un goupil confortablement installé au creux d’un vieux saule.

L’après-midi commençait à peine. Notre renard était en pleine sieste à plus de 2 mètres de hauteur, couché sur un replat du tronc, profitant des bienfaits du soleil après une nuit glaciale. L’animal dormait si profondément qu’il ne s’est pas réveillé à notre approche, somme toute assez bruyante (nous discutions à haute voix avant de l’avoir repéré). Nous aurions presque pu le toucher. À moins que le rusé mammifère ne se figeait volontairement pour passer inaperçu. En tout cas, ses yeux étaient clos et son museau s’enfonçait douillettement dans son pelage.

La caravane de mésanges à longue queue

Petite balade habituelle sur le chemin près de la maison. Arrivée à hauteur d’un buisson de fusains, d’épines noires et d’aubépines, une série de petits cris hauts perchés attirent mon attention tandis que les rameaux bardés de piquants semblent s’agiter. Sept ou huit minuscules oiseaux explorent le buisson de fond en comble.

Ce sont des mésanges à longue-queue, rebaptisées récemment orites à longue-queue. Qu’elles sont magnifiques avec leur silhouette dessinée toute en finesse et leur élégant plumage. Chaque hiver, elles vagabondent en caravane dans la campagne à la recherche de quelques bestioles à se mettre sous le bec.

Chaque individu garde le contact avec le voisin à l’aide de jolis petits cris incessants qui sont pour eux très rassurants : « t’es là ? Oui je suis là ! Et toi ça va ? »… Mais voilà déjà qu’un cri un peu plus strident et appuyé retentit. L’alerte est donnée, je suis repéré et la caravane passe…

Lâcher de ballons

Il y a une semaine encore, des dizaines d’argiopes fasciées tissaient leurs grandes toiles géométriques dans les herbes folles du verger. Leurs ouvrages de soie étaient alors très faciles à reconnaître car chez cette araignée, chaque artiste prend soin de signer sa toile d’une série de zigs-zags.

Le plus souvent, le bel arachnide reste planté au milieu de son piège à insectes. Un seul coup d’œil à son pyjama noir et jaune permet de comprendre d’où vient son autre nom d’argiope frelon.

Et puis ce matin, plus rien. Les argiopes ont quasiment toutes disparu ! En revanche, une multitude de petits ballons en forme de montgolfière à l’envers sont cachés ici ou là dans la prairie. Ce sont des cocons. Chaque femelle a tissé le sien pour y pondre des œufs, après quoi, elle meurt.

La prochaine génération d’argiopes passera l’hiver à l’abri, dans la soie, et n’en sortira qu’au printemps. Il faudra attendre la fin de l’été prochain pour les repérer facilement, éparpillées dans le verger, quand elles seront suffisamment grosses après leur régime estival de mouches et d’insectes en tous genres.

Chatouilles à la brouille

Petite séance pieds nus dans l’eau fraîche. Quel bonheur de remuer les orteils dans le lit de graviers de l’Aire, la rivière, quand le thermomètre affiche 30 °C. Sous la surface, le nuage naissant de brouille attire alors des bancs entiers de petits poissons.

Goujons au corps tacheté et vairons opportunistes, reconnaissables aux bandes sur les flancs, recherchent le moindre morceau de ver, d’insecte ou d’algue comestibles dans la masse de particules en suspension. Bientôt, de jeunes chevesnes se joignent au ballet aquatique. Ces poissons blancs possèdent des écailles dorsales surlignées de tons sombres d’où leurs surnoms de dos noir. Et tout ce petit monde vous chatouille les orteils ! Le phénomène est bien connu des pêcheurs en culotte courte qui pratiquent, en été, la pêche à la brouille.

La lanterne et l’escargot

Mais que fait donc cet escargot dans notre jardin ? Ma parole, il bulle… Il mousse plus encore que du produit vaisselle et sème des paquets d’écume sur son parcours. L’explication n’est pas loin.

Une étrange bestiole blindée de plaques rôde autour de lui. C’est une larve de ver luisant ! Elle brille aussi par son appétit pour les mollusques. L’escargot constitue son unique régime alimentaire : elle les déguste un à un pendant deux ans avant de devenir un imago, c’est-à-dire un adulte capable de se reproduire et d’allumer sa lanterne les nuits d’été.

Sa méthode de chasse ? Elle le mord pour lui injecter une salive toxique et le dévore en aspirant ses entrailles. Le pauvre escargot tente de sauver sa peau en produisant un rempart de bulles visqueuses.

L’envol brisé des libellules

Les larves de la plus grande libellule de notre mare, l’anax empereur, semblent toutes obéir au même mystérieux signal en ce moment.

Elles escaladent les tiges de roseaux massette pour opérer leur extraordinaire transformation.

Quelle idée ! Des rafales de vent soufflent à plus de 70 km/h depuis 3 ou 4 jours, le tout accompagné de violentes averses. Leur métamorphose est vouée à l’échec.

Bien que les libellules réussissent à s’extirper de leur enveloppe larvaire, le vent ballottent sans cesse leurs ailes encore molles et les abîme irrémédiablement. Les délicates membranes se collent, se froissent, se plient ou se chiffonnent puis finissent par durcir en l’état.

Les pauvres insectes se retrouvent coincés sur leur tige, incapables de prendre leur envol. Seule la promesse d’une vie aérienne s’est envolée.