Fleurs blanches sur épines noires

14ème jour de confinement lié à l’épidémie de coronavirus COVID 19. Notre verger nous permet de prendre de bons bols d’air, quant au télétravail, il est habituel chez nous. En faisant le choix de vivre dans un petit village d’Argonne ardennaise de moins de 100 habitants, je crois bien que nous étions déjà — d’une certaine manière — confinés avant cette pandémie. Autour de la maison, les haies blanchissent. Le principal arbuste qui les compose est en pleine floraison avant même d’être couvert de feuilles.

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Le prunellier, alias l’épine noire, s’est habillé de dentelles lumineuses pour plaire aux butineurs. Bourdons, papillons et abeilles ont répondu à l’appel silencieux du petit fruitier le plus célèbre des campagnes. Chaque étamine effleurée, chaque pistil fouillé lors de leur visite permet de féconder les fleurs qui, plus tard, se transformeront en petites prunelles bleues aromatiques.

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Attention, qui s’y frotte s’y pique car le buisson dresse derrière ses jolies fleurs blanches des épines dures et acérées, longues de plusieurs centimètres, qui infligent de cuisantes éraflures. Un coin d’herbes folles oubliées par la tondeuse ? C’est lui, le prunellier, qui sera souvent le premier à s’installer pour transformer la friche en taillis. Au verger, pruniers et mirabelliers sont également en fleurs mais le gel nocturne risque bien cette année encore de contrarier nos rêves de récoltes sucrées. À défaut, nous ferons peut-être du sirop de prunelles.

Les lèvres du lamier

Une plante se dresse en ce moment dans le verger. Sa tige est carrée, ses feuilles sont recouvertes d’une fine toison et arborent des nuances de pourpre. Si le végétal est plutôt classique, les membres de sa famille, les lamiacées, sont des aromates bien connus dans toutes les cuisines : thym, sauge, romarin, menthe… D’ailleurs la plante est comestible.

Lamier pourpre-David Melbeck

Sa fleur, elle, est une originale. Ses pétales se sont soudés en deux lèvres pour séduire et accueillir les butineurs, en particulier les bourdons. Ces grosses abeilles velues ont vite fait de remarquer la belle. Je les surprends souvent à forcer l’entrée étroite d’une corolle avec insistance pour accéder au nectar. C’est précisément ce que voulait le lamier pourpre. Les étamines cachées dans le « casque » de ses fleurs, conçues comme des mécanismes à bascule, peuvent ainsi déposer le précieux pollen sur les visiteurs.

Lamier pourpre et bourdon

Bleu, blanc, rouge…

Au cœur de l’hiver, quand la neige recouvre tout et que la famine guette, les petites troupes vagabondes de merles et de grives parviennent encore à trouver de quoi manger.

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Prunelles bleues, cynorhodons écarlates, cenelles cramoisies… Dans la haie champêtre, les dernières baies, pourtant flétries, sont encore bien visibles malgré l’épais manteau blanc. Les fruits tape-à-l’œil et nourrissants des arbustes ont une forme sphérique spécialement étudiée pour être avalés tout rond par les oiseaux.

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Leurs graines gastro-résistantes sont conçues pour supporter un voyage dans le système digestif de la plupart des animaux et ressortir, pas forcément pas la grande porte, mais indemnes et capables de germer. Cette étonnante stratégie de dispersion sauve bien des espèces de la disette car la chair charnue, elle, est digérée.

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Fruits à gogo

Même si les guêpes prélèvent leur part en ce moment, l’abondance des fruits du verger aura été spectaculaire en Argonne ardennaise pour 2018. Pas de gel tardif au printemps cette année, contrairement à 2017, ni aucune averse dévastatrice pendant la pollinisation.

Poire et guepe-david Melbeck

Cerises, mirabelles, pommes, poires, noix et raisins sont parvenus en très grand nombre à maturité, souvent avec 3 semaines d’avance et un taux de sucre très élevé. Du jamais vu ! Côté sauvage, fourrés et buissons ne sont pas en reste à en croire les branches qui ploient sous les prunelles, cenelles, cynorhodons et autres baies joliment colorées.

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La fleur de terre

Une délicate plante pousse entre les pieds de pomme-de-terre.  Une mauvaise herbe ? Non, dans notre potager, elle est la bienvenue. Ses feuilles vert-cendré, fines et découpées comme celles du persil, semblent sortir de terre telles des volutes de brouillard au petit matin. Voilà qui a inspiré les botanistes pour lui donner son nom de fumeterre officinale. Elle a longtemps été surnommée « fleur de terre » car on croyait qu’elle apparaissait du sol sans même provenir d’une graine. Une plante magique !

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La plante annuelle s’élance à l’assaut du monde en s’appuyant un peu sur ses voisines. Rien qui ne perturbera le bon développement de nos légumes. À l’arrière de chacune de ses étranges fleurs mauves et allongées, on remarque une petite bosse curieusement arrondie. Le coffre aux trésors ! C’est en effet ici, dans l’éperon que se cache le nectar tant recherché par les insectes pollinisateurs. Bientôt, de petits fruits en forme de boules délivreront une nouvelle génération de graines prêtes à germer quand le sol sera de nouveau remué.

Fumeterre officinal en fleur- David Melbeck

Dent-de-lion

Le pissenlit commence sa vie en faisant profil bas. Campé au ras des pâquerettes, il étale ses panneaux solaires si près du sol qu’il est difficile pour un herbivore de le brouter. Quelques jours plus tard,  le voici qui prend de l’assurance, ses feuilles dentées comme la gueule d’un lion empiètent sur la concurrence. Difficile pour les autres plantes de s’imposer au côté de cet encombrant voisin.

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Puis un matin d’avril, la prairie annonce la couleur (jaune) : le pissenlit fleurit ! Chaque œil d’or est en réalité une multitude de fleurs minuscules réunies sur un réceptacle perché au bout d’une seule tige. Autant de pistes d’atterrissage pour les abeilles et les bourdons ou de gourmandises pour les amateurs de confiture.

Jaune cornouiller

Malgré les gelées successives, voici plusieurs semaines que le cornouiller mâle affiche ses tons jaunes vifs pour attirer les insectes les moins frileux. Non seulement il est encore plus élégant que le forsythia ornemental, mais en plus, avec lui, c’est « open bar » pour les butineurs.

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C’est un arbuste à la floraison précoce qu’on remarque souvent dans les haies dès le mois de février. Son bois est si dense qu’il coule dans l’eau, d’ailleurs il était autrefois utilisé pour faire des engrenages et des pièces mécaniques.

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Bourdons et abeilles n’hésitent pas à sortir au moindre rayon de soleil. Si les fleurs du cornouiller sont fécondées, elles donneront de délicieuses cornouilles en forme d’olives rouges à la fin de l’été. À ne pas confondre avec les grappes de petites baies noires très laxatives de son cousin le cornouiller sanguin…

Pâquerettes de l’An neuf

L’hiver est particulièrement doux cette année. Le jour de l’An, des pâquerettes apparaissaient déjà dans la pelouse du jardin. Ces petits disques jaunes auréolés de languettes blanches annoncent d’habitude les prémices du printemps plutôt que la nouvelle année.

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La jolie plante embellit les gazons mais elle se fait régulièrement marcher dessus… Heureusement, sa rosette de feuilles supporte bien le piétinement et la taille. Les fleurs de pâquerettes s’ouvrent sous les rayons du soleil et se referment à la première pluie ou la nuit venue. Une petite faim ? Ses boutons floraux se croquent. Un aphte sur la gencive ? Mâchouillez quelques minutes ses feuilles après les avoir bien lavées.

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Cerises d’automne

Les feuilles mortes tombées récemment tapissent le parterre forestier. Parfois de petites boules soudées à une feuille de chêne attirent le regard. Des œufs ? Non. Des balles ? Non. Et des pommes ? Non plus ! Pourtant certains les appellent « Pommes ou encore cerises de chêne » bien qu’elles ne soient pas comestibles. Voilà en réalité d’étranges couveuses végétales qui abritent des larves. Ce sont des galles provoquées par la piqûre d’une petite guêpe, le cynips du chêne.

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Un jour d’été, le minuscule insecte atterrit l’air de rien sur une feuille de chêne. Il injecte un œuf en plein dans une nervure. Le virus informatique est en place. À partir de ce jour, l’arbre, au lieu de suivre son développement habituel, va fabriquer en même temps que la feuille infectée une drôle de cerise de 20 mm de diamètre.

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À l’intérieur, un vermisseau boudiné commence à dévorer ni vu ni connu les cloisons végétales de sa chambre sur mesure. Un beau matin, il se métamorphose, perce sa prison et s’envole. Mais la galle, elle, reste attachée à son support et finit par tomber avec lui à l’automne.

Colchiques dans les prés

C’est la fin de l’été ? Sans doute. Mais ce que la chanson ne dit pas, c’est que la jolie fleur qui apparaît sans feuille en ce moment est un concentré de poisons mortels. Le simple fait de la toucher peut provoquer une réaction de la peau.

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Curiosité de la plante, après la floraison éphémère, le colchique va fructifier incognito, à une dizaine de centimètres sous terre durant l’hiver. Le fruit mûr, une sorte de capsule pleine de graines toxiques, apparaîtra dans notre verger au printemps prochain, en même temps que les feuilles, elles aussi vénéneuses.

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