Chouettes, les hiboux !

Petite balade hier soir dans la vallée de l’Aire. Parfum de foin coupé, ciel flamboyant d’un soleil couchant, chants d’oiseaux, renard en maraude, lièvre tapis dans l’herbe, pie-grièche inquiète, héron à l’affût… Et puis dans un grand poirier du village voisin qu’on m’a gentiment conseillé d’examiner, de grands yeux m’observent avec curiosité.

Jeune hibou moyen- duc - David Melbeck

Chouette ! Un jeune hibou moyen-duc encore tout habillé d’un duvet gris me détaille du regard. Impatient, il a déjà quitté le nid mais il est encore incapable de voler. Quelques branches plus loin, la mère surveille passivement la scène.

Femelle hibou-moyen duc- David Melbeck

Les aigrettes dressées sur sa tête ne sont pas des oreilles, juste un ornement de plumes. Les véritables oreilles sont de simples trous cachés dans le plumage. Le hibou a pourtant une ouïe exceptionnelle qui lui permet de localiser précisément les bruits de pas d’une souris dans l’obscurité la plus totale totale et à plusieurs dizaines de mètres de distance. Au fait, chouette ou hibou, comment savoir ? Facile, seul les hiboux possèdent des aigrettes.

Hibou moyen-duc - David Melbeck

Le serpent de verre

Orvet de face-David Melbeck

Le célèbre et inoffensif orvet est en réalité un lézard sans patte. Contrairement aux serpents, il peut faire un clin d’œil grâce à ses paupières mobiles et il a la faculté de se séparer volontairement de sa queue en cas de danger. Elle se détache si facilement qu’on le surnomme « serpent de verre ». Le phénomène ne manque pas de détourner l’attention des prédateurs, permettant ainsi au reptile de sauver le reste de sa peau !

Orvet- David Melbeck

L’orvet passe presque sa vie entière — c’est-à-dire jusqu’à 50 ans — caché dans les herbes folles, le paillis, le foin, la mousse… Pierres, planches, plaques exposées au soleil sont d’excellents refuges pour se réchauffer dessous ni vu ni connu. La période des amours a commencé. La preuve, ce couple surpris sous une bâche anti-herbes dans notre potager. Le mâle maintient la femelle, qui elle a les flancs sombres, en la mordant. Le temps d’un clic de paparazzi et je les ai vite laissé tranquille.

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La mouche du 25 avril

Une étrange mouche vole ces jours-ci. Toute noire, des pattes longues et pendantes, un vol hésitant et malhabile, la créature peut effrayer mais elle est inoffensive. Elle survole lentement les herbes folles, parfois en compagnie d’un grand nombre de ses semblables.

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Les pêcheurs la connaissent sous le nom de mouche de mai ou mouche de la Saint Marc, date à laquelle elle apparaît souvent pour le plus grand bonheur des truites. En ce moment, ses larves, sortes d’asticots cachés dans la litière des sols riches et frais, se métamorphosent. Fin mai, ces paresseuses mouches sombres ne seront déjà plus visibles.

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Les lèvres du lamier

Une plante se dresse en ce moment dans le verger. Sa tige est carrée, ses feuilles sont recouvertes d’une fine toison et arborent des nuances de pourpre. Si le végétal est plutôt classique, les membres de sa famille, les lamiacées, sont des aromates bien connus dans toutes les cuisines : thym, sauge, romarin, menthe… D’ailleurs la plante est comestible.

Lamier pourpre-David Melbeck

Sa fleur, elle, est une originale. Ses pétales se sont soudés en deux lèvres pour séduire et accueillir les butineurs, en particulier les bourdons. Ces grosses abeilles velues ont vite fait de remarquer la belle. Je les surprends souvent à forcer l’entrée étroite d’une corolle avec insistance pour accéder au nectar. C’est précisément ce que voulait le lamier pourpre. Les étamines cachées dans le « casque » de ses fleurs, conçues comme des mécanismes à bascule, peuvent ainsi déposer le précieux pollen sur les visiteurs.

Lamier pourpre et bourdon

Collete, l’abeille lapin

De ces terriers là, sortent de drôles de lapins… Ou plutôt de colletes lapin comme on les surnomme. De bon matin, ces surprenantes abeilles sauvages patientent à l’entrée de leur nid.

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Leurs antennes dépassent à peine de leur tunnel. Elles doivent se réchauffer avant de commencer leur journée de travail. Colletes cunicularius, c’est son nom savant, a beau ressembler à sa cousine à miel, sa vie est pourtant bien différente. La femelle creuse une galerie de 40-50 cm dans le sol meuble en guise de nid.

Colletes cunicularius et terrier - David Melbeck

Nulle reine, ni vie en société organisée, chaque individu possède son petit chez lui mais souvent très proche des voisins si bien qu’ensemble, les colletes lapin forment des villages de plusieurs dizaines ou centaines de terriers appelés bourgades.

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Au ras du sol, les rondes incessantes et bruyantes des mâles prêts à s’accoupler ou les allées et venues des femelles chargées de pollen ne passent pas inaperçues.

Collete lapin en vol - David Melbeck

Régulièrement, cette animation attire l’attention d’une abeille coucou comme le sphécode. Ne vous fiez pas à son joli abdomen rouge vif, c’est un parasite qui tue les larves de la collete pour pondre ses œufs dans son nid.

Sphecodes envol- David Melbeck

Sphecodes - David Melbeck

 

L’envol des mygales

Depuis hier, le jardin se couvre par endroit d’étranges tipis de soie reliés entre eux par un entrelacs de fils argentés. La plupart n’abrite aucune créature, ils sont juste là.

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Et puis enfin l’explication : des dizaines de petites araignées émergent de leur cachette en même temps, parcourent la végétation, grimpent au sommet de quelques tiges desséchées en dévidant collectivement leur bobine de soies blanches.

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Renseignements pris auprès de notre spécialiste nationale Christine Rollard (surnommée par ses collègues « la femme araignée »), ce sont des petits qui s’apprêtent à se disperser pour trouver un coin tranquille où débuter dans la vie. Leur technique ? Laisser filer plusieurs fils de soie dans la brise jusqu’à que le vent les emporte avec.

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Il ne s’agit pas de n’importe quel arachnide puisque ces jeunes appartiennent sans doute à l’espèce de mygale la plus nordique, celle dite « à chaussette » (Atypus affinis). Ce sont des mygalons d’à peine 3 mm de long. Dans le verger et le potager, incroyable ! Eh oui, des mygales vivent chez nous en Europe, même dans les Ardennes. Mais la bête ne dépasse pas 2 cm à l’âge adulte et vit cachée dans une toile en forme de chaussette sous les pierres et dans le sol meuble.

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Cheveux de glace

Surprenante découverte hier matin en forêt d’Argonne, à Fléville : un morceau de bois mort couvert de nombreux filaments blancs soyeux, très fins et plutôt esthétiques. Une vision presque irréelle au milieu du tapis de feuilles ternes.

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Ce n’est pas un étrange champignon comme je l’imaginais. Après enquête, il s’agit de cheveux de glace. Un phénomène peu courant qui prend forme tôt le matin, par temps calme, lorsque le thermomètre descend en dessous de 0°C. Le lieu aussi a son importance: uniquement sous nos latitudes, sur un sol forestier, humide mais pas encore gelé. Une dernière condition façonne cette éphémère apparition.

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En réalité, c’est bien la présence d’un champignon dans le bois en décomposition de hêtre ou de chêne qui est à l’origine de ces cristaux de glaces incroyables. L’eau, qui s’extrait des pores du bois et gèle au contact de l’air froid, contient des composés liés à l’activité du champignon (Exidiopsis effusa pour les intimes). La chevelure de glace disparaîtra rapidement après le lever du soleil.

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Mangeoire enneigée

Ce matin, une couche d’environ 15 centimètres de neige recouvre le plateau de la mangeoire. Voilà qui n’arrange pas les affaires de ces deux mésanges charbonnières.

mangeoire enneigee-mesanges charbonnieres-david melbeck

Les graines de tournesol, si riche en lipides (+ de 60 %) leur sert de carburant pour lutter contre le froid. La règle d’or : alimenter la mangeoire seulement par temps de gel ou de neige car le nourrissage systématique perturbe le comportement naturel des oiseaux.

Hibernation

Ce matin, comptage des chauves-souris dans une ancienne carrière ardennaise avec une partie de l’équipe du CENCA (Conservatoire d’espaces naturels de Champagne-Ardenne). Le site est aujourd’hui protégé. Ces inventaires annuels permettent de suivre l’état des populations. Le tout, en veillant à respecter scrupuleusement le sommeil hivernal de ces petites bêtes ultra-sensibles au dérangement. On inspecte donc brièvement la moindre fissure du souterrain.

murin a moustache - david melbeck

Comme beaucoup de chauves-souris en hibernation, ce murin à moustache pris en photo à la lueur de la lampe est recouvert de fines gouttelettes de condensation. L’humidité ambiante des cavernes évite à leurs ailes de se dessécher. Côté matériel, le flash est interdit sous peine de réveiller les chiroptères. Or, un réveil de trop en plein hiver peut leur être fatal.

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Bleu, blanc, rouge…

Au cœur de l’hiver, quand la neige recouvre tout et que la famine guette, les petites troupes vagabondes de merles et de grives parviennent encore à trouver de quoi manger.

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Prunelles bleues, cynorhodons écarlates, cenelles cramoisies… Dans la haie champêtre, les dernières baies, pourtant flétries, sont encore bien visibles malgré l’épais manteau blanc. Les fruits tape-à-l’œil et nourrissants des arbustes ont une forme sphérique spécialement étudiée pour être avalés tout rond par les oiseaux.

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Leurs graines gastro-résistantes sont conçues pour supporter un voyage dans le système digestif de la plupart des animaux et ressortir, pas forcément pas la grande porte, mais indemnes et capables de germer. Cette étonnante stratégie de dispersion sauve bien des espèces de la disette car la chair charnue, elle, est digérée.

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